Conservation et Archivage des dossiers médicaux

Article 45 du code de Déontologie Médicale (article R.4127-45 du Code de la Santé Publique

« …, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques.

Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin.

Tout médecin doit, à la demande du patient ou avec son consentement, transmettre aux médecins qui participent à sa prise en charge, ou à ceux qu’il entend consulter, les informations et documents utiles à la continuité des soins.
Il en va de même lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant. ».

La conservation des dossiers médicaux répond à un triple intérêt
  • La continuité des soins aux patients,
  • Depuis la loi du 4 Mars 2002, la réponse à une demande de communication du dossier formulée par le patient ou ses ayants-droits,
  • Un moyen de preuve en cas d’action de recherche en responsabilité civile.

Continuité des soins

Lorsque le médecin cesse son activité, il s’agit le plus souvent d’une mesure programmée.
Il a le temps et le devoir d’en avertir ses patients (affichage dans la salle d’attente, information orale, éventuellement annonce dans la presse locale).

  • S’il a un successeur
Sous réserve du libre choix des patients, les dossiers seront transmis à son successeur.

  • S’il n’a pas de successeur

Il lui appartient, à la demande des patients, de transmettre leur dossier aux médecins qu’ils lui désignent pour assurer la continuité de soins.


A l’issue de ce processus qui peut durer quelques mois et après un tri des dossiers les plus anciens, il lui restera un reliquat de dossiers dont il devra assurer l’archivage.

Qu’il ait ou non un successeur, il est impératif que le médecin informe le Conseil Départemental du lieu où sont conservés les dossiers médicaux afin de pouvoir orienter, le cas échéant, les demandes d’accès des patients.

  • En cas d’arrêt brutal d’exercice

Le Conseil Départemental apportera son aide à la famille du médecin dans l’incapacité d’organiser lui-même la transmission des dossiers aux médecins désignés par les patients.


Une annonce dans la presse locale informera la patientèle de la fermeture du cabinet, invitant les patients à adresser leur demande au Conseil Départemental.


 

Satisfaire à la demande d’accès au dossier du patient ou de ses ayants-droits

L’article L.1111-7, introduit dans le Code de Santé Publique par la loi du 4 Mars 2002 relative aux droits des patients, a autorisé l’accès direct du patients, et sous certaines réserves de ses ayants-droits, à son dossier médical.
Ce droit d’accès est sans limitation dans le temps.
 

Preuve en cas de recherche en responsabilité

Constitué de l’ensemble des informations concernant le patient et l’évolution de son état de santé, retraçant les réponses qu’y a apportées le médecin en termes de soins, de surveillance (prescription d’examens, de traitements et de leur résultats) comme d’information, l’importance du dossier en tant qu’élément de preuve, en cas de recherche en responsabilité, n’est plus à démontrer.

Il constitue un élément essentiel de la défense du médecin (et de ses héritiers).
 

Durée de conservation des dossiers médicaux

En l’absence de prescription juridique déterminant la durée de conservation des archives des médecins libéraux, il a été d’usage de conseiller un archivage de 30 ans, durée essentiellement alignée sur le délai de prescription en matière civile.

L’article L.1142-88 du Code de Santé Publique issu de la loi du 4 Mars a ramené ce délai à 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

On peut dès lors s’interroger sur l’étendue exacte des effets de l’abaissement de la durée de prescription en matière de de responsabilité sur la durée de conservation des archives.

A cet égard, plusieurs observations doivent être faites :

  • La réduction de la prescription de 30 ans à 10 ans ne s’applique pour les médecins libéraux qu’aux actes ou préjudices causés à compter de la publication de la loi au Journal Officiel, c’est-à-dire du 2 Mars 2002.

Dans ces conditions, la possibilité pour un praticien libéral de voir sa responsabilité civile recherchée dans un délai de 30 ans n’est nullement éteinte aujourd’hui … et il est, dès lors, encore utile de conserver les dossiers médicaux pendant un délai de 30 ans, voire de 48 ans.

  • Si en théorie, le délai pendant lequel la responsabilité civile des praticiens peut être recherchée a été réduit, le législateur a fixé comme point de départ de ce nouveau délai de 10 ans la consolidation de la victime et non pas la première constatation médicale du dommage.

Le point de départ ainsi fixé est de nature à permettre en pratique des actions en responsabilité bien au-delà du délai de 10 ans, lorsque la consolidation du dommage n’est pas acquise.

  • L’étude des seuls textes relatifs à la conservation des archives médicales et qui concernent les archives hospitalières montre que la durée de conservation n’est pas déterminée en fonction de la durée de prescription en matière de responsabilité médicale, mais principalement en fonction des types d’affections rencontrées, de même que du constat statistique du pourcentage de consultations des dossiers au-delà d’un certain nombre d’années quel qu’en soit le cadre.

On relève que l’article R.1112-7 du Code de Santé Publique (décret N° 2006-6 du 4 Janvier 2006) réduit de façon sensible la durée de conservation des dossiers médicaux des établissements de santé (publics et privés).


Le dossier médical mentionné à l’article R.1112-2 est conservé pendant une durée de 20 ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou de la dernière consultation externe en son sein.
Lorsqu’en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation s’achève avant le 28ème anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu’à cette date.

Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de 10 ans après son premier passage dans l’établissement, le dossier est conservé pendant une durée de 10 ans à compter de la date du décès.

Ces délais sont suspendus par l’introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l’établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l’établissement.

A l’issue du délai de conservation mentionné à l’alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l’établissement de santé des données ayant fait l’objet d’un hébergement en application de l’article L.1111-8, le dossier médical peut être éliminé.

Dans ces conditions, et bien que l’absence de norme juridique leur permette en théorie d’abaisser plus substantiellement encore la durée de conservation de leurs dossiers médicaux, les médecins libéraux auraient sans doute intérêt à s’aligner sur le délai minimal de 20 ans appliqué par les établissement de santé, de façon à préserver la justification essentiellement médicale de cette durée, à conserver les preuves nécessaires à toute défense utile du médecin comme du patient, enfin, à garantir le droit d’accès des patients aux informations de santé les concernant très largement ouvert par la loi précitée du 4 Mars 2002.

Un tel délai ne saurait qu’avoir valeur indicative en l’absence pour les médecins libéraux de prescription juridique autre que l’usage, sachant, au surplus, qu’il n’existe aucune sanction juridictionnelle automatique de la destruction d’un dossier médical avant un certain délai.

Il appartient au juge, civile en l’espèce, d’apprécier souverainement la légitimité de l’empêchement invoqué à produire une pièce détruite (peut-être trop tôt au regard de l’usage), dont la communication est demandée par une partie ou par le juge lui-même.
Sauf à ce qu’une telle destruction manifeste une volonté délibérée de faire disparaître une preuve et de faire obstacle au déroulement de la justice, laquelle serait alors passible de peines pénales infligées par le juge pénal, le juge civil appréciera, en fonction des circonstances, la responsabilité du médecin mis en cause avec les pièces dont il dispose.

20 ans (période allongée le cas échéant pour les mineurs) constituent une durée de conservation des archives minimale en raison de leur adéquation éprouvée avec les réalités médicales et scientifiques et de la garantie du droit d’accès des patients à leur dossier qu’ils offrent, cette durée pouvant, bien évidemment, être allongée par les médecins spécialisés dans le traitement ou la prévention de pathologies requérant une plus longue période d’observation, pour éliminer tout risque connu de révélation du dommage.
 

Modalités d’archivage

Les dossiers doivent être conservés dans des conditions permettant d’assurer leur confidentialité et leur pérennité.

  • Dossier papier

Le reliquat des dossiers, après transmission et tri, peut s’avérer important et constituer un encombrement pour le médecin et sa famille, notamment en cas de déménagement.
 

Il peut être fait appel à une société privée d’archivage.

Un contrat, qu’il est souhaitable de communiquer au Conseil Départemental, devra préciser les conditions et durée de conservation et les modalités d’accès, si besoin, aux dossiers archivés.

Il est utile d’indiquer dans le contrat que, si le médecin n’est plus en mesure de donner les directives nécessaires à la société d’archivage, il sera fait appel à un membre du Conseil Départemental.

  • Dossier informatique

L’archivage des documents informatiques soulève une question différente : celle de la valeur probante du document numérique.
Une récente décision de la Cour de Cassation, (Civ.2, pourvoi N° 07-17622) du 4 Décembre 2008, apporte des précisions :

« Lorsqu’une partie n’a pas conservé l’original d’un document, la preuve de son existence peut être rapportée par la présentation d’une copie qui doit en être la reproduction, non seulement fidèle, mais durable (articles 1334 et 1348 du Code Civil).

L’écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu’à condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité et porte la date de création du document ».

Cette notion de fidélité et de durabilité a été traduite par le critère fonctionnel global « d’intégrité ».
L’intégrité d’un document numérique peut être assurée, en pratique, par différents moyens techniques :

  • Copie fidèle

Elle doit visuellement se présenter comme l’original avec les indications du papier à entête et la signature de l’expéditeur.
Il convient d’adopter pour des systèmes de stockage optique, horodaté, non réinscriptibles (Worm) ou disques magnétiques, rendus non réinscriptibles à l’aide d’un logiciel.

  • Copie horodatée

Le document n’a de valeur que si la preuve est apportée qu’il a été créé et stocké sous forme numérique au jour de son établissement.

  • Copie durable

Les documents doivent rester lisibles très longtemps.
Il convient d’opter pour des formats électroniques standardisés (basés sur XML, PDF ou TIFF (pour les images)).
Quand les documents archivés ne sont plus conformes, il peut être nécessaire de les convertir.
Le support utilisé pour l’archivage doit lui aussi offrir des garanties de pérennité.
Les supports non gravés, CD et DVD, n’offrent pas de garantie de pérennité.

Le disque optique numérique non réinscriptible est la solution à privilégier, encore que l’on ne soit pas tout à fait assurés de la durée de vie, même des supports en verre au-delà de 5 à 10 ans.

  • Documentation du processus d’archivage

Généralement appelée « politique d’archivage », il s’agit d’une description précise des moyens mis en œuvre pour s’assurer que, pendant l’ensemble de son cycle de vie, le document électronique n’aura pas subi de modifications susceptibles d’altérer son intégrité.
 

L’existence de cette procédure, régulièrement mise à jour, permettra d’optimiser, en cas de litige, la valeur probante du document.

En résumé, il faut retenir :


Après transmission et tri, le médecin a la responsabilité de la conservation des dossiers médicaux.

Aucun texte ne fixe, pour les médecins libéraux, la durée de conservation de leurs archives.

Pour autant qu’ils aient commencé leur activité avant le 5 Mars 2002, ils restent soumis à la prescription trentenaire.

Si le délai de prescription a été ramené à 10 ans, le point de départ – la consolidation du dommage – fait planer une incertitude sur la durée de conservation.

L’alignement sur le délai de 20 ans retenu dans les établissements de santé pour la conservation des archives paraît raisonnable et à recommander.

Qu’il s’agisse des dossiers « papier » ou informatiques, ils doivent être conservés dans des conditions qui garantissent leur confidentialité et leur intégralité.

Il est indispensable de signaler au Conseil Départemental le sort et le lieu de conservation des dossiers.